Vaccination : et maintenant, tirons au sort parmi les moins de 40 ans

Maintenant que presque tous les groupes à risque ont été vaccinés en priorité, qui choisir parmi le grand groupe de personnes âgées de moins de 40 ans pour se faire vacciner en premier ?

Contribution externe
Vaccination : et maintenant, tirons au sort parmi les moins de 40 ans
©D.R.

Un texte de Vincent Yzerbyt (UCLouvain), Olivier Klein (ULB), Maarten Vansteenkiste (UGent) et Omer Van den Bergh (KULeuven), pour le groupe d’experts Psychologie et corona.

Les récentes décisions du Comité de Concertation du 14 avril s'appuient très largement sur les effets du programme de vaccination sur la maîtrise encore précaire de la situation épidémiologique et la tension toujours élevée dans les hôpitaux. Maintenant que presque tous les groupes prioritaires ont été vaccinés, la question se pose de savoir quels groupes il s’agit cibler à la suite des ceux-ci. Le groupe d'experts "Psychologie & corona" estime que les jeunes adultes ne doivent pas être délaissés. Il serait en effet préférable de vacciner en même temps les groupes d'âge présentant un profil de risque similaire, comme par exemple toutes les personnes âgées de moins de 40 ou 45 ans. Autrement dit, les citoyens de ce groupe assez important pourraient tous être invités au hasard. Une telle approche présente de nombreux avantages sur le plan psychologique.

Équité

Si le risque d'infection grave est d’un ordre de grandeur similaire pour différents groupes d'âge, il est juste de donner à chacun une chance égale d'être vacciné. À défaut, les plus jeunes adultes risquent de se sentir injustement traités, ce qui risque d’entraîner colère, rébellion et tensions intergénérationnelles. De telles conséquences sont loin d’être inconcevables : les données du baromètre de la motivation de l’UGent, l’UCLouvain et l’ULB montrent que les jeunes adultes sont au moins aussi désireux que les personnes âgées de se faire vacciner. Dès lors, afin de maintenir et de renforcer la cohésion au sein de la population, il est souhaitable de déployer la vaccination de manière uniforme.

Un autre avantage d'une "politique d'égalité des chances" dans ce grand groupe des moins de 40 ou 45 ans est que les différentes couches de la population qui restent en attente de protection sont ainsi vaccinées au même rythme. L'effet bénéfique sur le plan motivationnel découlant de la présence d’exemples positifs dans l’environnement se manifestera donc de manière équivalente dans les différents groupes d'âge. Après tout, plus il y a de personnes vaccinées dans un groupe donné, plus il y a de chances que la vaccination soit vécue comme la norme sociale et plus les sceptiques pencheront du bon côté de la balance. Il est intéressant de noter que les personnes particulièrement motivées sont plus susceptibles d'accepter une invitation à se faire vacciner et que ce sont précisément ces personnes qui sont désireuses d’endosser un rôle d'ambassadeur afin de convaincre d'autres personnes, créant ainsi un effet boule de neige de la vaccination au sein des différents groupes d'âge.

Guerre d’usure

En termes d'engagement dans la lutte contre la pandémie, nous risquons également de perdre la jeune génération s’il s’avère qu’elle est la dernière à pouvoir être vaccinée. La motivation à suivre les mesures prises est aujourd'hui moins affirmée qu’en début de crise, notamment chez les plus jeunes adultes (voir www.motivationbarometer.be). Or, ceux-ci ont fait preuve jusqu'à présent d'une grande solidarité et ont fourni de gros efforts en dépit du fait que leur risque d'infection grave est objectivement très inférieur à celui des personnes âgées et vulnérables. Si en plus les personnes vaccinées peuvent jouir d'une plus grande liberté, il sera encore plus difficile de se savoir être le dernier dans la queue. C'est particulièrement vrai pour les plus jeunes adultes, qui sont aussi les plus actifs socialement. Pour eux, le suivi des mesures sera une véritable guerre d'usure, ce qui risque de laisser au virus un champ d’action plus important dans cette tranche d'âge et minera encore plus que ce n’est le cas aujourd’hui l'état psychologique déjà très précaire des jeunes. À l'approche de l'été, le nombre de rassemblements de jeunes dans les parcs et sur les places deviendra alors incontrôlable, rendant inévitable l'escalade des confrontations. Il y a donc beaucoup à gagner pour la santé mentale des 18-30 ans autant que pour le succès de la campagne de vaccination si on les vaccine en même temps que leurs aînés immédiats.

Si nous voulons garder tout le monde à bord autant qu’il est possible pendant les quelques mois difficiles qui nous attendent, nous devons vraiment mettre en pratique la devise "Pour tout le monde, avec tout le monde". De toute évidence, ce n'est pas en descendant progressivement sur l'échelle des âges des plus vieux aux plus jeunes qu'on y parviendra.

>>> Titre et chapô sont de la rédaction. Titre original : "Optez pour une stratégie de vaccination qui garde tout le monde à bord"

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