"Il est clair que l’Ukraine ne sera pas la dernière étape de Vladimir Poutine"
L'Ukrainien Zelensky, l'Allemand Scholz et le Français Macron ont été parmi les premiers orateurs de la Conférence de Munich sur la sécurité. C'est ici, en 2007, que Vladimir Poutine avait prononcé un discours qui restera dans l’histoire comme un tournant dans sa politique étrangère.
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Publié le 17-02-2023 à 16h26 - Mis à jour le 17-02-2023 à 17h11
C’est le grand rendez-vous annuel des dirigeants de la planète pour discuter des questions de sécurité collective. La Conférence de Munich s’est ouverte ce vendredi en Allemagne, sans celui qui a déclenché une guerre d’un autre âge contre son voisin et mis en péril la sécurité et la paix sur le Vieux continent. Vladimir Poutine devait recevoir, lui, son allié biélorusse Alexandre Loukachenko à Moscou.
Il a pourtant bien été question du président russe et des conséquences de l’"opération militaire spéciale" qu’il a lancée voici un an. Dans cette guerre, “il n’y a qu’un agresseur”, a voulu répéter le président français, Emmanuel Macron, et l’heure n’est “pas au dialogue”. Faute d'avoir réussi à s'emparer de l'Ukraine jusqu'ici, Vladimir Poutine essaie aujourd'hui “de gagner du temps”, “de miser sur une fatigue des parties”, a déclaré Volodymyr Zelensky, qui s’exprimait en visioconférence. Le président ukrainien a plaidé pour une accélération du soutien à son pays, pour de la “vitesse” dans la prise de décision et les livraisons d’armes afin de “limiter le potentiel russe”. “Il n’y a pas d’alternative à la vitesse, car c’est d’elle que dépend la vie”, a-t-il ajouté.
Aux Ukrainiens, qui “défendent leur liberté au prix de grands sacrifices et avec une détermination absolument impressionnante”, le chancelier allemand Olaf Scholz a voulu assurer que son soutien financier, humanitaire et militaire était conçu pour “durer longtemps”, “aussi longtemps que nécessaire”. “Nous sommes prêts à un conflit prolongé”, a embrayé à sa suite le président français. “Si nous ne le souhaitons pas, nous devons collectivement être crédibles dans notre capacité à durer dans cet effort. ”

Un vieux discours qui résonne aujourd'hui
C’est ici, à la Conférence de Munich, qu’en 2007, Vladimir Poutine avait marqué les esprits en prononçant un discours qui restera dans l’histoire comme un tournant dans sa politique étrangère. Fini les “formules de politesse convenues” et les “clichés diplomatiques aussi agréables à entendre que vides de sens”, avait-il lancé à la tribune le 10 février 2007. Le président russe, qui terminait son second et – pensait-on alors – dernier mandat, s’était attaqué à l’hégémonie américaine et au “monde d’un unique maître, d’un unique souverain”. La guerre lancée par les Américains et certains de leurs alliés contre l’Irak en 2003 l’avait particulièrement heurté. “J’estime que, dans le monde contemporain, le modèle unipolaire est non seulement inadmissible mais également impossible. ” Il avait ajouté froidement à l’adresse des dirigeants occidentaux : “Il me semble évident que l’élargissement de l’Otan n’a rien à voir avec la modernisation de l’Alliance ni avec la sécurité en Europe. Au contraire, c’est une provocation qui sape la confiance mutuelle et nous pouvons légitimement nous demander contre qui cet élargissement est dirigé. ”
Le Vladimir Poutine, qui, à son arrivée au pouvoir, présentait un visage avenant, affirmait devant le Bundestag que la “guerre froide est finie”, déclarait que les pays baltes pouvaient bien rejoindre l’Otan s’ils le voulaient, nouait des amitiés avec les Gerhard Schröder, Silvio Berlusconi ou Jacques Chirac, a changé de visage. En même temps que l’Union européenne et l’Alliance atlantique s’élargissaient à l’Est, le président russe voyait d’un mauvais œil les révolutions des roses en Géorgie en 2003 et orange en Ukraine en 2004, précédant le dépôt de leur candidature à l’Otan en 2008 – une procédure pourtant gelée par les Alliés.
Il n’y a pas d’alternative à la victoire de l’Ukraine.
La Russie n’a pas accepté le nouvel ordre mondial que l’Occident pensait acquis depuis la fin de la guerre froide. Le discours de Munich de Vladimir Poutine était annonciateur de la décennie à venir : la guerre en Géorgie en 2008, l’annexion illégale de la Crimée et le soutien à la guerre hybride dans le Donbass en 2014 (et après), l’invasion de l’Ukraine en 2022. Il allait vouloir prendre sa revanche sur l’humiliation de la chute de l’URSS et sa relégation, par Barack Obama, au rang de “puissance régionale” qui agresse ses voisins parce qu’elle est “faible”.
Il s’agit aujourd’hui pour l'hôte du Kremlin d’assurer à la Russie le statut de fait de l’ex-URSS comme acteur incontournable sur la scène internationale – ce qui passe aussi par une intervention en Syrie au côté de Bachar al Assad, l’envoi de paramilitaires de Wagner en Afrique et ailleurs, le déploiement d’une force d’interposition au Haut-Karabakh, etc.
Dans ce contexte, “il est clair que l’Ukraine ne sera pas sa dernière étape. Il va poursuivre vers d’autres États de l’ex-bloc soviétique”, a averti Volodymyr Zelensky vendredi. Aussi, “il n’y a pas d’alternative à la victoire de l’Ukraine. Pas d’alternative à l’Ukraine dans l’Union européenne, pas d’alternative à l’Ukraine dans l’Otan”, a-t-il martelé, non sans dire son espoir que, l’an prochain, les dirigeants se retrouveront à Munich “pour la conférence d’après-guerre, pour une Europe et un monde libres”.