La réalité virtuelle pour vaincre sa peur de l'avion
L'aéroport de Charleroi lance un programme de choc contre la phobie de l'avion. La thérapie recourt à la réalité virtuelle. "Une première en Belgique". Près d'une personne sur quatre appréhende de voler à 10 000 mètres d'altitude.
Publié le 02-07-2016 à 16h29 - Mis à jour le 02-07-2016 à 16h30
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L'aéroport de Charleroi lance un programme de choc contre la phobie de l'avion. La thérapie recourt à la réalité virtuelle. "Une première en Belgique". Près d'une personne sur quatre appréhende de voler à 10 000 mètres d'altitude.
Les grandes vacances sont là. Et si pour beaucoup cette période est synonyme de repos et de détente, pour certains elle est aussi imprégnée d’une angoisse terrible : celle de prendre l’avion. Selon les études, on estime que 20 à 30 % de la population souffrent d’aviophobie. "La phobie est la peur irrationnelle d’une situation particulière (comme de prendre l’ascenseur) ou d’un ‘objet’ spécifique (la peur des araignées par exemple)", rappelle le psychologue Noël Schepers. "La personne phobique est tout à fait consciente de sa peur et tente d’éviter, par tous les moyens, la situation ou l’objet redouté."
Les attentats n’arrangent rien
Selon M. Schepers, l’aviophobie présente plusieurs particularités. "Voler n’est pas si naturel que cela et certains n’acceptent pas de ne pas pouvoir avoir le contrôle de l’avion." Chaque crash aérien est également très médiatisé, ce qui a un effet déclencheur. "Avec les récents attentats, l’inquiétude augmente aussi chez tout le monde, explique le spécialiste . Même s’il faut distinguer la phobie d’une peur rationnelle, l’une renforce l’autre".
Il existe différents degrés d’aviophobie, allant d’un refus catégorique de rentrer dans un appareil à une "simple" angoisse au décollage. Des troubles, comme une transpiration profuse, des tremblements ou des difficultés de respiration peuvent apparaître à la seule idée de prendre un avion. "Cette phobie a des conséquences considérables pour la qualité de vie", précise le psychologue. "Les déplacements aériens sont fortement limités. Ce qui peut porter préjudice sur le plan personnel, professionnel ou familial."
Mais rien n’est irréversible. De nombreuses thérapies existent ainsi pour, sinon y mettre un terme, au moins amoindrir les troubles de l’aviophobie.
A l’aéroport de Charleroi, un programme de trois jours, conçu en collaboration avec l’hôpital Vincent Van Gogh (CHU Charleroi), vient d’être mis en place. Il a l’originalité de recourir à la "réalité virtuelle" pour soigner les patients. Tout en restant au sol, ces derniers sont ainsi placés sur des sièges d’avion, bougeant lors de turbulences simulées, avec un masque sur le visage projetant les images d’un véritable vol. Des psychologues accompagnent les patients tout le long de ce voyage virtuel.
Milieu proche de la réalité, mais contrôlé
"L’idée est de mettre le sujet dans un milieu proche de la réalité, mais qui est contrôlé, poursuit M. Schepers . Le patient sait que cette réalité n’est que virtuelle, mais la partie émotionnelle de son cerveau réagit comme si c’était vrai. Cela permet donc d’apprendre à contrôler l’anxiété et d’encoder dans la mémoire émotionnelle que la situation n’est pas dangereuse".
Après ce vol virtuel, les stratégies d’apaisement (travail cognitif, contrôle respiratoire, apaisement musculaire) s’acquièrent beaucoup plus facilement. Le troisième jour, les patients effectuent un vol aller-retour réel cette fois-ci, mais toujours accompagnés des psychologues.
Le prix de cette thérapie de choc ? 500 euros. "Mais toute la partie clinique est remboursable et près de 85 % de nos patients sont guéris", plaide M. Schepers.
Sur le plancher des vaches
"Quoi, tu as plus de 40 ans et tu n’as jamais pris l’avion de ta vie ?! C’est dommage, tu dois te priver de beaux voyages… Et ce n’est pas problématique dans ton métier ?"Ben oui, je n’ai jamais quitté l’Europe, je passe mon tour pour les voyages de presse sympa mais un peu lointains et mon rêve d’aller visiter la Nouvelle-Zélande semble fortement compromis. La faute à une phobie incontrôlable (et que je laisse incontrôlée), celle du vide et des hauteurs. Je suis incapable de monter plus haut que trois échelons d’une échelle sans me sentir très, très mal. Alors, m’imaginer à 10 kilomètres au-dessus du plancher des vaches dans un cercueil volant dont il est impossible de sortir avant l’atterrissage, non merci, sans façon. Vraiment. "Mais, quand on est dans un avion, on ne voit pas le vide", tentent de me rassurer certaines bonnes âmes. Peut-être mais le problème n’est pas là. C’est le fait de savoir que je suis suspendue dans le vide. L’humain n’est pas fait pour voler, que je sache. En cas de gros pépin, c’est quand même une mort horrible et inéluctable.
Je suis la version blanche, féminine et sans chaînes en or autour du cou du personnage de Barracuda dans la série télé "L’Agence tous risques". Comme lui, si pour une question de vie ou de mort, je devais absolument prendre l’avion, il faudrait me gaver de somnifères ou m’assommer avec une batte de base-ball. Et s’assurer que je sois dans les vapes avant le décollage, pendant tout le vol et jusqu’à la fin de l’atterrissage.
Oui, en 2016, il y a des gens qui n’ont volontairement jamais pris l’avion. Face à l’incompréhension générale, je me retranche derrière l’alibi écologique. Le réchauffement climatique, c’est moins ma faute que la vôtre.
"J’écris systématiquement une lettre d’adieu"
Marie souffre d’aviophobie depuis des années.
Que ressentez-vous avant de prendre l’avion ?
Dès que j’apprends que je vais devoir prendre l’avion, même des mois à l’avance, je commence à avoir peur. Cette crainte augmente au fil des jours. C’est irrationnel, mais dès que je rentre dans une cabine d’avion, je suis intimement persuadée que je vais mourir. J’écris d’ailleurs systématiquement une lettre d’adieu à mes proches. Je n’ai jamais eu de vol particulièrement compliqué. C’est peut-être en vieillissant que j’ai petit à petit réalisé tous les risques que ça comportait.
Comment traitez-vous cette peur ?
Je consulte un thérapeute. Même si la phobie est moins handicapante, elle est toujours là. Je ne prends pas l’avion sans avoir pris un anxiolytique prescrit par mon médecin.
Cette phobie est-elle handicapante pour votre vie sociale, familiale ou professionnelle ?
Oui, énormément. Je suis obligée de prendre l’avion pour mon travail. Et chaque déplacement me demande des efforts. Je prends sur moi. Pour mes déplacements privés, je vais toujours privilégier la voiture ou le train. Même si cela met deux fois plus de temps ! C’est évidemment assez contraignant pour mon mari. Lorsque nous voyageons ensemble, je suis de très mauvaise compagnie durant les trajets en avion.
--> Infos : 0475/5195.08 ou centrederealitevirtuelle@chu-charleroi.be