Alexander De Croo est-il un piètre Premier ministre? Sa méthode dérange de plus en plus
Le président du PS, Paul Magnette, s’en est pris à son manque de méthode. Mais De Croo a aussi des supporters.
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- Publié le 02-12-2021 à 06h40
- Mis à jour le 02-12-2021 à 14h30
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Alexander De Croo est-il un Premier ministre mal organisé ? Depuis les débuts de la Vivaldi, cette critique circule dans les couloirs des cabinets fédéraux. Le libéral flamand ne préparerait pas assez les réunions importantes, qu’il s’agisse des Comités de concertation (Codeco) consacrés à la crise sanitaire ou des comités ministériels restreints (kern) les plus sensibles. Le chef du gouvernement ne mettrait pas non plus suffisamment d’énergie à la pacification des relations entre les sept composantes de sa coalition (PS, Vooruit, MR, Open VLD, Écolo, Groen, CD&V).
Confrontés à cette attitude qui prend à rebrousse-poil son image de décideur calme et déterminé, certains ministres, lors de Codeco, y ont même vu l'indice d'un "chaos organisé", une tactique du locataire du "16" destinée à imposer son pouvoir. C'est sans doute prêter à Alexander De Croo une vision un peu trop machiavélique de l'exercice de ses fonctions…
Pas de "bilatérales"
Jusqu'à présent, tous ces reproches s'exprimaient dans le confort de l'anonymat. Mais, depuis dimanche, un pas supplémentaire a été franchi. Sur RTL-TVI, Paul Magnette, le président du Parti socialiste (PS), a affirmé qu'il y avait "un problème de méthode dans le fonctionnement du gouvernement". Parmi les raisons du mécontentement des socialistes francophones, on trouve les récentes polémiques autour de la vaccination obligatoire du personnel soignant.
Suite au revirement du PS à l'égard d'un accord initial, un nouveau kern avait été organisé. Il avait duré… treize heures. Alexander De Croo n'en aurait pas assez fait pour faciliter ces discussions délicates. "Il n'a même pas organisé de réunions en bilatérales", déplore une source. Par des "bilatérales", le Premier ministre s'entretient en aparté avec chaque vice-Premier afin de rapprocher, petit à petit, les points de vue.
"Des réunions à la dernière minute…"
Un autre informateur juge durement la "méthode De Croo" : "Ce dossier concernant le personnel soignant est un bon exemple. Lors de ce kern marathon, les contre-propositions se faisaient sur un coin de table en pleine réunion… Alexander a une fâcheuse tendance à faire du kern (qui rassemble les poids lourds du gouvernement fédéral) une réunion technique où les vice-Premiers doivent tout trancher jusqu'au dernier carat. J'aurais pu vous parler aussi de ces réunions organisées à la dernière minute, de ces notes et rapports qui tombent au milieu de la nuit…"
"Pas de différence avec Wilmès"
Au sein de la majorité Vivaldi, Alexander De Croo a aussi des supporters. "Il y a beaucoup de sujets… Certains aboutissent à un succès, d'autres pas. C'est normal dans une coalition qui rassemble sept formations différentes, décode une source CD&V. Quand Sophie (Wilmès) était Première ministre, les réunions duraient aussi des heures. Je ne vois pas de différence. De manière générale, la dynamique entre Magnette et De Croo n'est pas positive et cela influence le fonctionnement du gouvernement." La majorité fédérale a pu être mise en place le 1er octobre 2020, après près de deux ans de crise politique, grâce à l'entente entre le leader de l'Open VLD et le président du PS. Quand ce duo se désunit, ce sont les fondations de la Vivaldi qui tremblent.
Des présidents à contenir
L’idée qu’Alexander De Croo serait un piètre manager peut être relativisée. Tout d’abord, un Premier ministre en Belgique n’a pas beaucoup de pouvoir politique. La survie de "sa" coalition dépend en réalité du bon vouloir des présidents des partis qui la composent. Le chef de l’exécutif est au mieux un chef d’orchestre, au pire le simple notaire de l’accord de majorité.
Afin de ne pas laisser trop d’emprise aux leaders des formations vivaldiennes, Alexander De Croo a choisi de ne pas réagir à chacune de leur sortie médiatique. Cette attitude raisonnable, paradoxalement, alimente les attaques contre sa supposée passivité.
Par ailleurs, le kern se compose de personnalités peu expérimentées, ce qui complique la tâche de De Croo. "À part Sophie Wilmès, Frank Vandenbroucke et Vincent Van Quickenborne, les vice-Premiers ne sont pas rompus aux exigences des négociations de haut vol, analyse une source fédérale. Or, pour débloquer une situation compliquée, il faut avoir autour de la table des personnalités capables de raisonner out of the box et de nouer des deals."
"Il défend ses ministres"
Le même observateur rappelle que le Premier ministre peut agir de manière très protectrice avec ses ministres, quitte à prendre des coups. "Alexander se bat pour défendre ses ministres. Que ce soit Dedonder dans l'affaire Jürgen Conings, Schlitz sur la nomination d'une militante musulmane à l'Institut pour l'égalité entre les femmes et les hommes ou pour Mahdi dans la grève de la faim à l'église du Béguinage. Après plus d'un an, personne n'a dû démissionner du gouvernement. C'est rare au fédéral."