"Nous n'arrivons pas à intégrer les nouvelles populations qui continuent d'arriver à Molenbeek"
Surtout pas! Mais les habitants de Molenbeek ne veulent plus vivre dans un "laboratoire socio-culturel" - dixit M. Moureaux - où a trop longtemps régné l'indifférence face à des comportements de non-respect. Une opinion de Françoise Schepmans, Première Echevine à Molenbeek-Saint-Jean.
- Publié le 21-06-2011 à 09h29
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Que dites-vous aux gens – familles avec jeunes enfants ou entreprises – qui veulent quitter Molenbeek invoquant des raisons d’insécurité ?Je suis bien consciente des difficultés qu’ils vivent, principalement dans le quartier maritime. La presse parle de deux entreprises qui quittent la commune pour des raisons de sécurité mais a peu évoqué la crèche et le garage vandalisés voici 15 jours. Souvenons-nous aussi des échauffourées dans ce quartier lors du Ramadan. On comprend que ce climat fasse peur. Mais les habitants de Molenbeek ne veulent plus vivre dans un “laboratoire socio-culturel” – dixit Philippe Moureaux – où a trop longtemps régné l’indifférence face à des comportements de non-respect. Lutter contre ce malaise est le grand défi des autorités communales.
Le problème est-il selon vous davantage d’ordre socio-économique ou ethnico-culturel ?Les difficultés sociales ne sont pas la cause de ce climat d’insécurité et de tensions. La commune investit énormément dans ces quartiers, notamment dans les écoles communales et les politiques dites socio-culturelles. Mais ces dernières visent trop l’occupationnel et pas assez l’éducation. Et ce qui marche bien avec les enfants ne fonctionne pas avec les adolescents. L’autre problème est la démographie galopante. Molenbeek est une commune de passage avec une arrivée continue et importante de nouvelles populations que nous n’arrivons pas à intégrer.
Luckas Vander Taelen (sénateur Groen) a dénoncé le comportement de jeunes hommes d’origine allochtone qui constitueraient une génération de “rebels without a cause”, marquant l’échec de 20 ans de tentative d’intégration.C’est trop les valoriser que de les considérer comme des “rebelles” : ce sont des délinquants. L’insécurité n’est pas un sentiment et est bien réelle. Dans quelle mesure la police peut-elle intervenir plus efficacement ? Nous avons des brigades d’intervention et des policiers administratifs mais pas assez de policiers de proximité collaborant avec les gardiens d’espaces publics. Ces derniers doivent être mieux formés, valorisés et jouer davantage un rôle de médiateur sur le terrain. On attend aussi plus de la police fédérale, comme à Anderlecht… et pas qu’en période de crise.
Johan De Becker, le chef de corps de la police de Molenbeek, a regretté il y a deux ans que la justice ne sanctionne pas assez vite les délinquants. Votre avis ?Absolument. Et cela entraîne une démotivation de la part des policiers qui revoient rapidement dans la rue les délinquants qu’ils arrêtent. La justice doit y être plus attentive. L’autre face du problème est celle de la responsabilisation des parents. Ils sont dépassés par les enjeux d’éducation et de formation de leurs grands enfants. Il n’est pas normal à 14-15 ans d’être dans la rue durant la journée. Là aussi on attend une présence plus effective de l’aide à la jeunesse.
Peut-on espérer une amélioration du “vivre ensemble” ?Dans les années 90, quand je demandais une politique d’intégration, on me taxait de réactionnaire et de xénophobe. Mais des femmes mariées ne parlant ni français ni néerlandais après 10 ans ici seront toujours exclues, socialement et économiquement. En 2004, j’ai proposé des parcours d’intégration pour adultes. Ce fut refusé parce que préférant l’angélisme, une partie de la classe politique n’a pas voulu voir la réalité. On ne peut pas toujours trouver des excuses culturelles ou socio-économiques à des comportements qui cassent le “vivre ensemble”. Aujourd’hui, on prend enfin la mesure de l’enjeu. Molenbeek est en première ligne d’un problème qui risque de gagner tout Bruxelles. Mais si tous les intervenants se mettent autour de la table sans œillère, on y arrivera. J’ai confiance.