Comment les entreprises pourront éviter de mettre la clé sous le paillasson directement
La procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) sera votée ce jeudi en séance plénière de la Chambre.
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- Publié le 10-03-2021 à 17h14
- Mis à jour le 30-03-2021 à 14h25
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La nouvelle loi sur la procédure de réorganisation judiciaire (PRJ) ne fut pas un long fleuve tranquille. Et c’est un euphémisme. Quelques jours après la fin du moratoire sur les faillites le 31 janvier, il aurait été judicieux que le gouvernement vienne avec une solution “clé sur porte” pour trouver des solutions alternatives à la faillite, telles cette PRJ “nouvelle mouture”. Las. La bataille faisait rage au parlement. Les textes n’étaient pas prêts et franchement perfectibles.
1. Pourquoi cette réforme a pris autant (trop) de temps ?
Tout le monde était d’accord pour réformer la PRJ, coupable aux yeux des députés d’être trop lourde, trop chère et trop stigmatisante pour les entreprises qui y faisaient appel. Le dépoussiérage ne fut cependant pas chose aisée, disions-nous. Plusieurs propositions de lois se sont chevauchées, plusieurs ministres se sont relayés sur un texte pourtant fondamental, l’objectif étant rien de moins qu’enrayer le flot attendu de faillites ces prochaines années – 50 000 supplémentaires d’après le bureau d’études Graydon par rapport à une année normale (10-11 0000) en raison de la crise du Covid-19. Les amendements, dont celui déposé par Denis Ducarme (MR) en février, ont finalement pris le pas sur la proposition de loi elle-même.
Après d’âpres discussions, notamment avec le PTB et la N-VA, et deux lectures, le nouveau texte "gouvernemental" porté par le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) est voté en Commission de l’économie fin février, et se trouve désormais à l’agenda de la séance plénière de la Chambre ce jeudi. Soit deux semaines avant l’échéance de la fin du moratoire de fait qui empêche l’État (ONSS, Inasti, fisc) de citer en faillite. C’est l’État qui représente la toute grosse majorité des assignations habituellement, ce qui explique le nombre très faible de faillites ces 12 derniers mois. Cela étant dit, un nouveau moratoire tacite pourrait encore être de mise ces prochains mois. Les pouvoirs publics pourraient ne pas réclamer leurs créances fiscales et sociales auprès des entreprises jusque fin juin, mais les discussions ne sont pas encore clôturées, nous dit-on à bonnes sources.
2. Les grands points de cette réforme ?
En quoi consiste la réforme de la PRJ précisément ? D’abord, la réforme vise à assouplir le régime de la PRJ. La facilitation de l’accès aux PME passe ainsi par une réduction conséquente du nombre d’annexes à déposer pour obtenir ce droit à la PRJ, qui est fortement encadré, et qui protège des créanciers. C’est l’une des différences majeures avec la médiation, autre piste “poussée” par la justice pour éviter de mettre directement la clé sous le paillasson. Bref, subsisteront essentiellement un état résumant la situation active et passive de l’entreprise, un compte de résultats, un budget et une liste des créanciers.
Ensuite, et c’est sans doute le point qui a le plus cristallisé les débats, “avant la PRJ en tant que telle, il y aura une phase “pré-PRJ confidentielle”, explique-t-on au cabinet du ministre des PME et indépendants David Clarinval (MR), autre partie prenante dans les travaux. “Il faut être honnête, il y a habituellement une stigmatisation réelle des entreprises qui passent par cette case PRJ”, nous expliquait il y a quelques jours Pierre Hermant, CEO de finance&invest Brussels, le bras financier de la Région bruxelloise. Cette phase confidentielle, de 4 mois maximum, a fait l’objet d’un amendement spécifique déposé par le député Denis Ducarme (MR). Elle va donc permettre aux entreprises en difficulté de ne plus être étiquetée “à problème” et de discuter sereinement avec leurs créanciers d’un rééchelonnement de dettes, d’un redéploiement d’activité, etc. Le tout sous le contrôle de la justice. “Attention, lance d’ailleurs Paul Dhaeyer, président du Tribunal francophone de l’entreprise de Bruxelles, il ne s’agit cependant pas de multiplier ces sursis. Les entreprises ne peuvent pas en abuser, et le juge s’en assurera, qui fera le tri. C’est du reste une bonne chose, poursuit le magistrat, qu’un juge accompagne cette phase”.
“Bref, après la phase de "PRJ confidentielle", il y aura la PRJ publique, bouclée en quelques jours, et enfin, après la PRJ, l’entreprise sera sauvée, reprise ou restructurée”, résume-t-on au cabinet de David Clarinval. Où l’on insiste sur l’importance de “préserver les droits des autres créanciers qui n’ont pas été associés à la pré-PRJ à un moment de la procédure. C’est un équilibre délicat entre les droits des entreprises en difficulté et les créanciers qui ont aussi des droits légitimes. C’est pour cette raison que les PRJ sont publiques par principe mais qu’on à trouvé un mécanisme permettant de contourner la difficulté en permettant une préparation confidentielle.”
3. L’accès financier à la PRJ sera-t-il aussi facilité ?
Habituellement, une PRJ coûte relativement chef, de l’ordre de 5 000 euros pour une entreprise de taille moyenne. Dans le cadre de la réforme, il est prévu d’élargir l’exonération fiscale offerte aux créanciers, pour encourager les accords à l’amiable. Pour être précis, les réductions de valeur et provisions sur créances sur les cocontractants pour lesquels un plan de réorganisation a été homologué ou un accord amiable a été constaté seront exonérées.
4. La justice aura-t-elle les moyens de faire face ?
Dernière question : la justice aura-t-elle les moyens de faire face à un afflux a priori massif de demandes ? “Actuellement oui, mais n’avons pas encore d’afflux important. Quand ce sera le cas, le ministre nous a assuré qu’il libérerait des fonds (du portefeuille “moyens de relance” pour la Justice, NdlR) afin de faire en sorte que tous les dossiers en matière d’insolvabilité puissent être dûment traités. Je reste donc optimiste”, conclut Paul Dhaeyer.