Nos vieux matelas démantelés à la chaîne pour être mieux recyclés
C’est une première en Belgique : désormais, le démantèlement des matelas se fait de manière automatisée, sur le site Veolia de Sombreffe. Davantage de débouchés et un cadre légal plus contraignants font augmenter la quantité de matériaux recyclés et réemployés.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/72083752-f644-4dd9-a4f6-e56858570a2f.png)
- Publié le 19-06-2023 à 06h30
À l’entrée de l’un des vastes hangars que compte ce site industriel de 18 hectares, des matelas s’amoncellent en hautes piles. Acheminés par les Recyparc, des magasins spécialisés, hôpitaux ou hôtels, ils “dorment” là en attendant qu’on leur offre une deuxième vie… À côté des cartons, papiers, déchets industriels et bois inertes, la multinationale française Veolia, qui propose des solutions environnementales (énergétique, de traitement des eaux et des déchets) aux industriels, a développé une ligne spécifique pour le démantèlement de cet équipement du quotidien. “C’est le seul site en Belgique qui fait ce démantèlement de manière automatisée”, souligne avec fierté Dimitri Bertholet, responsable du site Veolia Sombreffe. Cela fait un an en effet qu’une ligne automatisée a pris le relais de celle qui fonctionnait uniquement manuellement depuis sa mise en service, en 2015. Une manière d’ “optimiser la circularité des matelas”, résume-t-il.
Cela fait un an que la ligne automatisée a pris le relais de celle qui fonctionnait uniquement manuellement depuis sa mise en service, en 2015.
Ressorts d’un côté, mousse de l’autre
Dans l’usine, les matelas suivent leur trajet par étapes successives. Le bras d’une grue les agrippe un à un et les dépose sur un tapis roulant. C’est le début de la chaîne, qui se dédouble après quelques mètres. “À gauche, ce sont les matelas avec ressorts ; à droite, les matelas en mousse, que ce soit du latex ou du polyuréthane”, poursuit le responsable du site. Les premiers sont incisés à la main et bientôt, les entrailles des matelas apparaissent au grand jour. Telle une peau de banane, la couche molletonnée s’écarte lorsque la machine en extrait la cage de ressorts qu’elle renfermait. Après manipulation des ouvriers, “les ressorts sont compactés en balles”. Un bon mètre cube de métal prêt à être réemployé.

Pour les matelas en mousse, le processus est plus simple. Il s’agit de séparer la housse en textile du reste. Ces mousses sont alors découpés pour alléger leur poids et puis compactés et ligotés pour en faciliter le transport. Les matériaux ainsi séparés seront acheminés vers des sous-traitants, “belges pour la majeure partie”, qui se chargeront de donner à ces matières premières secondaires, une deuxième vie.
Un million de matelas sont jetés tous les ans en Belgique.
Aujourd’hui, cinquante tonnes de matelas sont acheminées chaque semaine dans le site de Sombreffe. “La ligne automatisée peut démanteler jusqu’à 500 000 matelas par an”, souligne Philippe Tychon, COO déchets chez Veolia BeLux. Soit la moitié des matelas usagés du pays puisqu'“un million de matelas sont jetés tous les ans en Belgique”, complète Dimitri Bertholet. Le Belge en changerait tous les dix ans en moyenne. Ce déchet, Veolia et Recyc-Matelas Europe la considèrent comme une précieuse ressource.
Isolants, sièges et tapis de gym
Mousse, textile et métal. La majorité des composants des matelas sont recyclables et leurs usages, multiples : “Le textile est un bon isolant thermique, étaie Dimitri Bertholet. Les mousses sont utilisés dans la construction comme isolant acoustique, comme tapis de gym, du rembourrage de sièges de voiture ou d’avion”. Quant aux ressorts, ils sont valorisés comme métaux. “90 % des matériaux seront recyclés”, se réjouit Philippe Tychon. L’objectif est d’augmenter progressivement ce pourcentage.
Le textile est un bon isolant thermique : les mousses sont utilisés dans la construction comme isolant acoustique, comme tapis de gym, du rembourrage de sièges de voiture ou d’avion.
“Pour qu’ils soient bons pour le réemploi, il faut que les produits collectés soient qualitatifs”, insiste Philippe Tychon. Veolia a donc développé un container adapté aux matelas et qui évite que ceux-ci soient souillés ou humides, auquel cas, ils ne seraient plus valorisables. Ces containers sont mis à disposition des Recyparc et des industriels. Les gages de qualité concernent cependant chaque maillon, précise Philippe Tychon. Et en premier lieu les fabricants, à qui il incombe la responsabilité d’anticiper la fin de vie des produits qu’ils mettent sur le marché. “Il est important de discuter avec eux pour qu’ils améliorent la qualité des produits, qu’ils facilitent le réemploi et anticipent des solutions de recyclage”, explique M. Tychon.
Augmenter le taux de réemploi passe par ailleurs par la multiplication des débouchés car en l’absence de demande, l’activité de démantèlement est vaine. Raison pour laquelle un dialogue a été instauré avec les industriels, tant en amont qu’en aval de la chaîne de valeur. “Il faut convaincre les personnes qui – dans de nombreux secteurs – travaillent dans le design ou le packaging, de privilégier les matières premières recyclées plutôt que les matières premières vierges”, poursuit M. Tychon. Car “si l’on veut parvenir à l’objectif de neutralité carbone en 2050, il faudra nécessairement changer les modes de production”, ponctue le responsable de l’unité déchets.

Un cadre légal contraignant
“La pression sociétale et les cadres juridiques contraignants permettent de faire changer les mentalités et les pratiques”, pense Philippe Tychon. Et de citer la directive européenne obligeant les fabricants à concevoir leurs produits à base d’un pourcentage de matériaux réutilisés.
Veolia et Recyc-matelas Europe n’ont cependant pas attendu que la loi soit durcie pour développer des solutions autour du démantèlement des matelas. En 2015, forts de leur expérience en France, les partenaires mettaient en place une ligne manuelle pour exploiter ce qu’ils considéraient déjà comme un gisement important.
Mais “depuis le début de l’année, explique M. Tychon, l’obligation de reprise et de recyclage des matelas est d’application en Région wallonne (progressivement dans chaque région depuis 2021, NdlR). ” Ceux-ci ne partent donc plus à l’incinérateur, où ils étaient brûlés et valorisés sous forme d’énergie. “Les citoyens ne peuvent plus jeter leur matelas dans les encombrants ; les intercommunales doivent leur proposer des containers de reprise des matelas dans les recyparc. ” Pour chaque matelas récupéré, une prime est versée aux gestionnaires des déchets par l’organisme certifié “Valumat”.