Stages, logements, précarité : la crise a aggravé la situation de nombreux étudiants
La Fef va manifester. Et elle tacle l’idée de toucher aux critères de "réussite".
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- Publié le 11-09-2020 à 10h49
- Mis à jour le 11-09-2020 à 10h50
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C’était il y a un an. La Fef (Fédération des étudiants francophones) dévoilait à La Libre les résultats de son enquête sur les conditions de stage des étudiants et formulait dix revendications. Rien n’a changé. Certes, la pandémie est passée par là. "Justement, insiste Chems Mabrouk, la présidente de la Fef, comme dans d’autres domaines, l’épidémie a exacerbé les besoins du passé. Nous continuons à recevoir beaucoup de plaintes." Le dossier est donc au-dessus de la pile des urgences de la Fédération pour cette année académique. Les stagiaires ont été invités à écrire des cartes postales à la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR). Celles-ci lui seront prochainement remises.
À la veille de la rentrée dans le supérieur, quelle est la priorité de la Fef ?
Tous les jours, nous sommes interpellés par des étudiants à propos de leurs stages. Il est grand temps de mettre ce sujet à l’agenda. Non seulement les problèmes dénoncés il y a un an ne sont pas résolus, mais nous redoutons l’embouteillage. De nombreux stages ont été postposés à cause du confinement. C’était déjà compliqué de pouvoir trouver un bon stage en temps normal mais là, tout le monde va devoir en chercher en même temps. Nous continuons donc à réclamer des listings de stages dans tous les établissements et la garantie de stages de qualité et bien encadrés.
Vous vouliez aussi des balises pour réglementer les stages. C’est fait ?
Malheureusement, non. L’idée est que tous les étudiants soient protégés de la même façon par un cadre juridique précis (concernant la durée des stages, le nombre d’heures de prestation par jour, les trajets, ce qui se passe quand un stagiaire est malade, les recours possibles, le caractère obligatoire ou pas, etc.). Je rappelle que de nombreux cas de harcèlement nous ont été rapportés. Il faut absolument prévoir des lieux où le stagiaire peut parler en cas de violence subie. À propos de règles, des grilles d’évaluation doivent être établies, afin que chaque étudiant sache ce qu’on attend de lui. Enfin, les stages ne peuvent pas coûter cher aux étudiants. Souvent, ceux-ci doivent payer leur matériel ou les tenues obligatoires. Tout cela doit leur être fourni. La lutte contre la précarité étudiante reste un de nos principaux combats. Or, là aussi, la crise a aggravé la situation. Des actions sont prévues en novembre pour exiger des mesures.
Qu’en est-il du problème des logements que vous dénonciez juste avant le confinement ?
Nous avons relancé notre enquête. Sur 700 réponses, un quart des étudiants évoque un problème avec leur propriétaire, dont la moitié ne sait pas quoi faire pour le résoudre. Pire : 70 % des étudiants ne connaissent pas le bail étudiant, plus protecteur que le bail classique. Il doit être obligatoire. Et il faut un lieu de médiation plus accessible que la justice de paix.
La ministre Glatigny a dit son intention d’aller vite dans la réforme du décret Paysage et de modifier les critères de "réussite". C’est nécessaire ?
Je pense que définir si un étudiant doit valider 45 crédits ou plus n’est vraiment pas le plus important. Ce n’est pas ça qui l’aidera à réussir ! Faire porter à l’étudiant toute la responsabilité de son échec est un cliché. Bien d’autres facteurs entrent en jeu. La vraie priorité, je pense, c’est de mettre le paquet sur les aides à la réussite. D’autre part, avant de débattre du nombre de crédits nécessaires, ne devrait-on pas discuter pédagogie ? Quels jeunes veut-on former ? Comment faire en sorte qu’ils puissent lutter contre toutes les oppressions (sexisme, racisme…) si vivaces ? Ce débat dépasse le cadre de chaque institution.
Vous étiez très inquiète des conditions dans lesquelles les étudiants devaient passer leurs examens. Pourtant, la ministre annonce une augmentation de la réussite, non ?
De 6 à 8 % d’échecs en moins, dit-elle : mais qu’est-ce que ça veut dire ? Que signifie rater alors qu’on répète justement qu’avec le décret Paysage, le concept de réussite est flou ? Et puis qui a "réussi" ? Les étudiants ont mal vécu cette crise, c’est une certitude. En cette rentrée, tout le monde est content de se retrouver. Mais le gros enjeu sera d’anticiper un éventuel passage en code orange ou rouge pour ne pas être aussi démunis qu’au mois de mars.
La Fef est-elle antidémocratique ?
Depuis l’été passé, la Fef est la seule organisation étudiante dans l’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour la députée Stéphanie Cortisse (MR) et l’USE(Union syndicale étudiante), c’est antidémocratique. Qu’en pensez-vous ?
Je ne comprends pas cette critique. La Fef, ce sont plus de 35 conseils d’étudiants (avec parfois jusqu’à 80 membres) qui se réunissent en assemblée générale toutes les trois semaines pour débattre et prendre des positions communes, même si on n’est pas toujours d’accord. Nos projets sont votés et soutenus : contrairement à ce que dit l’USE, nous n’avons pas "confisqué la contestation". J’entends aussi qu’on nous reproche d’être déconnectés du terrain. Mais mon équipe et moi sommes en permanence au contact des gens pour leur parler.
Le décret sur la participation étudiante stipule que, pour se positionner comme porte-parole officiel, il faut représenter au moins 15 % des étudiants inscrits dans le supérieur, au terme d’élections indirectes. Ce critère rendrait trop difficile l’émergence d’autres organismes. Faut-il modifier ce texte que la ministre a demandé à l’Administration d’évaluer ?
Comment peut-on à la fois vouloir revoir à la baisse le critère de représentativité et nous accuser d’être trop peu représentatifs alors que nous le remplissons ? J’ajoute qu’en face du gouvernement et du Parlement, le mouvement étudiant est un contre-pouvoir. Il a participé à l’élaboration du décret. Que ce soit le pouvoir qui dise aujourd’hui comment le contre-pouvoir doit s’organiser me questionne…