L’indépendance de l’Église d’Ukraine bouscule les équilibres géopolitiques de la chrétienté orthodoxe
Retour sur la complexité géopolitique de créer une Église orthodoxe indépendante – et de la faire reconnaître par ses pairs.
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- Publié le 12-12-2022 à 06h39
- Mis à jour le 12-12-2022 à 06h54
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Quelles que puissent être les évolutions en Ukraine même, la jeune Église orthodoxe restera handicapée par le manque de reconnaissance internationale de ses pairs. 14 Églises autocéphales (indépendantes) se sont jusqu’à présent mutuellement reconnues. Parmi elles, les quatre patriarcats “historiques” de Constantinople, Antioche, Jérusalem et Alexandrie. Dix se sont ajoutées au fil du temps, épousant de plus en plus les frontières nationales des États modernes d’Europe centrale. Au sein de cette communion synodale, le patriarche œcuménique de Constantinople est considéré comme “le premier des égaux”. Il dispose de certaines prérogatives vis-à-vis des autres chefs d’Église, notamment celle de décider de l’autocéphalie de nouvelles Églises.
Le patriarche actuel, Bartholomée Ier, a ainsi déclaré l’indépendance de l’Église d’Ukraine en 2019 et de celle de Macédoine du nord en 2022. Ces dernières ne peuvent néanmoins s’inscrire en communion les 14 branches de l’Église tant que celles-ci ne l’ont pas reconnu. Dans le cadre de l’Ukraine, seules quatre Églises ont franchi ce pas : Constantinople, la Grèce, Chypre et Alexandrie. L’opposition est menée par l’Église russe, qui rejette l’idée d’une rétrocession de son territoire canonique ukrainien.
Brouille canonique
La délivrance de l’autocéphalie s’inscrivait dans le cadre d’une rivalité ancestrale entre Constantinople et Moscou. Depuis la chute de l’empire byzantin en 1453, la Moscovie (actuelle Russie) nourrit l’ambition de devenir une “troisième Rome” et conteste l’autorité déclinante de Constantinople. Bartholomée, siégeant dans une Istanbul de moins en moins chrétienne, est d’ailleurs régulièrement menacé d’exil par un Président Erdogan que cet “anachronisme” irrite.
En soutenant l’indépendance de l’Église d’Ukraine, Bartholomée a donc contrarié les prétentions de Kirill, avec lequel il est en froid depuis des années. Le patriarche œcuménique a aussi renouvelé son emprise sur l’Ukraine, un territoire canonique historiquement lié à Constantinople, aujourd’hui l’un des principaux foyers de la chrétienté orthodoxe.