"Ce texte légalise une situation illégale" : indignation au sujet de l’incarcération des malades mentaux
Les internés n’ont pas leur place en prison. Le gouvernement fait voter un texte qui "légalise l’illégalité", s’indigne l’Observatoire des prisons.
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Publié le 21-10-2021 à 21h14
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La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Belgique à plus de 25 reprises pour la détention de personnes internées dans une prison ordinaire. C’est une des plaies du système carcéral belge. La dernière fois, c’était en avril.
Dans un "arrêt pilote" de 2016, la Cour de Strasbourg faisait état d'"un dysfonctionnement structurel" dans le traitement de ces personnes qui ont commis un crime mais qui souffrent d'un trouble mental affectant gravement ou annihilant leur capacité de jugement et le contrôle de leurs actes. La Belgique avait deux ans pour mettre son Code pénal en conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme.
Où en est-on aujourd’hui ? Fin avril, l’administration pénitentiaire répertoriait plus de 3 600 internés. La moitié d’entre eux, libérés à l’essai après stabilisation de leur état, ne résident plus dans une institution et sont de retour dans leur lieu de vie. Les autres sont hébergés dans un centre de psychiatrie légale (il existe actuellement deux CPL, à Gand et à Anvers), dans un établissement de défense sociale ou dans une institution classique. Par manque de places, il reste 600 internés dans les annexes psychiatriques des prisons.
En avril, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), annonçait une solution structurelle pour ces malades mentaux qui sont aujourd’hui incarcérés sans recevoir les soins auxquels ils ont droit. Le gouvernement Vivaldi s’est engagé à créer trois nouveaux CPL, à Paifve (250 places), à Wavre (250 places) et à Alost (120 places). Les CPL sont des hôpitaux psychiatriques sécurisés conçus pour la prise en charge des internés. Leur financement est assuré conjointement par la justice (hébergement et sécurité) et l’Inami (soins, médicaments, honoraires médicaux…). Mais ces nouvelles places ne seront pas opérationnelles avant 2026. Dans cinq ans…
"Une solution existe pourtant dans la loi!"
Et en attendant ? Plutôt que de travailler urgemment à des solutions pour faire sortir les internés de prison, le gouvernement a déposé un projet qui modifie la loi afin que les internés puissent désormais séjourner légalement dans les annexes psychiatriques. Un projet qui a été approuvé mercredi en commission de la Justice de la Chambre et devrait être adopté mercredi prochain en séance plénière."Ce texte légalise une situation illégale", s'indigne la section belge de l'Observatoire international des prisons (OIP). L'OIP appelle les parlementaires à s'opposer à ce texte "qui viole de façon flagrante les engagements pris par la Belgique à l'égard du Conseil de l'Europe".
Le gouvernement pourrait pourtant sans doute faire autrement. La loi de 2014 prévoit la conclusion d'accords financiers entre la justice et les hôpitaux psychiatriques pour prendre en charge les internés, explique Delphine Paci, avocate, qui a introduit plusieurs plaintes au pénal pour séquestration arbitraire. "La solution existe dans la loi, mais elle n'est pas mise en œuvre ! Aucun accord n'a encore été signé à ce jour."