Sans Nicola Sturgeon, quid de l’indépendance de l’Écosse ?
Fatiguée après huit ans au pouvoir, la première ministre écossaise a annoncé sa démission. Elle quittera son poste une fois son successeur connu. Une nouvelle stratégie vers l’indépendance devra être définie.
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Publié le 15-02-2023 à 19h52 - Mis à jour le 16-02-2023 à 18h22
À la surprise générale, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a démissionné mercredi matin. “Poursuivre à mon poste est-il bon pour mon pays, mon parti et la cause de l’indépendance, à laquelle j’ai dévoué ma vie ? J’ai atteint la difficile conclusion que non”, a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse organisée en urgence à Edimbourg. Un choc pour un pays dont elle était l’omniprésente politicienne et le seul visage à l’international.
Impliquée depuis ses 16 ans au sein du Parti national écossais (SNP), députée au parlement écossais depuis sa création en 1999, ministre depuis 2007 et Première ministre depuis 2014, elle a justifié son départ par sa lassitude. “Je me lève le matin et j’arrive généralement à me convaincre que j’ai ce qu’il faut en moi pour continuer à ce poste. Mais depuis plusieurs semaines, ce n’est plus le cas. Je pourrais continuer pendant six mois, peut-être un an. Mais je sais qu’avec le temps, j’aurais de moins en moins d’énergie à consacrer à ce travail et je ne peux pas le faire autrement qu’à 100 %. Le pays ne mérite rien de moins que cela”. Cette explication ressemble à s’y méprendre à celle avancée par l’ancienne Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern lors de sa démission il y a un mois.
Nicola Sturgeon a fermement rejeté l’idée que sa décision soit basée sur un sujet politique particulier : l’enquête sur les finances de son parti, la loi sur l’auto-identification des transsexuels ou les difficultés actuelles de la cause indépendantiste. Même si la professeure de sciences politiques à l’université d’Edimbourg Nicola McEwen estime que ces récentes affaires “ont dû peser sur les épaules” de la Première ministre, elle ne voit pas de “raison de ne pas croire ses explications, notamment sur l’impact de sa carrière sur sa vie personnelle”. Elle rappelle néanmoins que “les spéculations circulaient depuis un moment sur sa volonté de rester au pouvoir en raison du prochain cycle politique. Une élection générale britannique se tiendra l’an prochain, puis une élection pour le parlement écossais en 2025 ou 2026, à l’issue de laquelle elle avait déjà sous-entendu ne plus vouloir être la leader de son parti. Elle a donc voulu accorder le temps nécessaire à son successeur pour s’établir. D’autant plus que, comme elle l’a précisé, lorsqu’une personne domine un parti, les autres ont tendance à être éclipsées”.
Qui pour lui succéder ?
C’est désormais la grande énigme : autant Nicola Sturgeon était perçue comme la successeure évidente d’Alex Salmond à sa démission à la suite du référendum d’indépendance perdu de 2014, autant personne ne se détache pour la remplacer. Et encore moins un député SNP connu du grand public. Nicola Sturgeon a d’ailleurs refusé de dévoiler ses préférences, prévenant juste qu’elle demeurera en poste jusqu’à ce que le nom de son successeur soit connu.
Le défi qui attend le futur Premier ministre écossais s’annonce immense. Le système de santé est en grande difficulté, l’inflation attaque les finances de nombreux Écossais et, surtout, la voie vers l’indépendance semble obstruée. “Personne ne changera la ligne pro-indépendantiste qui unit le SNP”, précise Nicola McEwen. “Mais la prochaine campagne pour l’élection de son successeur devrait servir de débat sur la stratégie à tenir. Nicolas Sturgeon a réitéré sa volonté de se servir de la prochaine élection générale comme d’un référendum sur l’indépendance, mais cet avis est loin d’être partagé par les siens”. Un observateur de la politique britannique estime d’ailleurs “qu’il est possible qu’elle soit partie si soudainement car elle savait qu’elle allait perdre ce débat”.
Un sondage diffusé lundi par le sondeur et ancien vice-président du parti conservateur Michael Ashcroft, a ainsi révélé que seulement 21 % des Écossais suivent la ligne défendue par Nicola Sturgeon. À l’inverse, 67 %, dont une majorité d’électeurs SNP, estiment que “les gens votent lors d’une élection pour différents motifs et qu’un vote SNP ou vert ne peut être considéré comme un vote favorable à l’indépendance de l’Écosse”. La fixation de la cheffe du SNP sur l’indépendance est d’ailleurs mal perçue en cette période de grande difficulté économique. Ainsi, les sondés voient le système de santé et le coût de la vie comme les deux principaux soucis actuels de l’Écosse, et 48 % voteraient aujourd’hui pour rester au sein du Royaume-Uni et 37 % en faveur de l’indépendance. Ils pensent pourtant que le gouvernement n’a d’yeux que pour l’indépendance et le droit des transsexuels à l’auto-reconnaissance. La voie vers la sortie du Royaume-Uni semble pour le moment obstruée.