La "Boucle du Hainaut" pourrait-elle être remise en cause? "Si c'est dangereux pour la santé, on prendra des mesures"
Les riverains de la "Boucle du Hainaut" craignent pour leur santé. La ministre wallonne de l’Environnement attend les résultats d’une étude sur les champs électromagnétiques avant d’agir.
Publié le 04-11-2020 à 15h47 - Mis à jour le 27-11-2020 à 10h01
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Le projet de la "Boucle du Hainaut" suscite une forte opposition de la part des riverains des 14 communes concernées. Elia, le gestionnaire du réseau électrique, souhaite réaliser une nouvelle liaison aérienne de 85 km entre Avelgem et Courcelles. Son but est d’acheminer l’électricité de l’ouest vers l’est de la Belgique.
Outre la pollution visuelle provoquée par les pylônes électriques, les riverains craignent l’impact sur la santé lié aux champs électromagnétiques. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la Wallonie ne dispose pas de normes en la matière. La recommandation européenne de 100 microteslas (μT) est donc appliquée dans le sud du pays.
La Flandre a fixé un seuil d’intervention à l’intérieur des habitations à 20 μT. Elle préconise, en outre, de limiter l’exposition quotidienne des enfants à 0,4 μT, comme le recommande le Conseil supérieur de la santé.
La semaine passée, la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Écolo), annonçait qu’elle fixerait des valeurs seuils à l’instar de ce que la Flandre a développé. Cette annonce faisait suite "à l’importante mobilisation citoyenne" contre la "Boucle du Hainaut". Avec quelles conséquences ?
Elia respecte déjà le seuil flamand d’intervention
Selon Julien Madani, responsable de la communication autour des projets, Elia prévoyait déjà de respecter le seuil flamand d’intervention de 20 μT. "Sous la ligne électrique, l’exposition sera limitée à 5 à 6 μT en moyenne, explique-t-il. Et quand on s’éloigne de 40 mètres, on retombe déjà sous 0,4 μT. À 100 mètres, il n’y a plus aucune incidence."
Contacté, Frédéric Groulard, un ingénieur riverain de la "Boucle du Hainaut", n’est cependant pas rassuré. "Nous souhaiterions qu’Elia respecte la recommandation du SPF Santé publique d’appliquer une distance minimale de 100 mètres entre une ligne 380 kV et les habitations, déclare-t-il. Or, le tracé actuel ne respecte pas cette recommandation. Il y aura nécessairement des maisons à moins de 100 mètres."
Par ailleurs, Frédéric Groulard aimerait que la Wallonie fixe un seuil d’intervention plus bas que la Flandre (20 μT). Autre élément intéressant : le collectif Revolht, qui se bat contre la "Boucle du Hainaut", nous a transmis une réponse d’Elia dans laquelle il est indiqué que l’exposition serait d’environ 10 µT sous la ligne électrique, et non de 5 à 6 µT. Il s’agirait néanmoins d’une valeur inférieure au seuil flamand d’intervention de 20 µT.
Du côté du cabinet de la ministre wallonne de l’Environnement, on indique que l’on rédige le cahier des charges d’une étude relative à l’impact des lignes haute tension sur la santé humaine et animale. En fonction des résultats de cette étude, "des mesures fortes" pourraient suivre.
Si l’étude devait montrer un impact sur la santé, la catégorisation du permis demandé par Elia pourrait changer. On passerait alors du simple permis d’urbanisme au permis unique, qui tient compte d’aspects urbanistiques et environnementaux. "Nous n’allons pas préjuger des résultats de l’étude, indique la porte-parole de Céline Tellier. Mais, s’il s’avère que c’est trop dangereux, on peut refuser le permis, demander à Elia de changer le tracé, faire respecter une distance minimale par rapport aux habitations, imposer des normes obligatoires à ne pas dépasser…" Ces normes seraient contraignantes, contrairement aux seuils d’intervention, qui sont plutôt une recommandation.
Sans attendre les résultats de cette étude, Mme Tellier compte modifier un décret wallon sur la qualité de l’air intérieur. L’objectif est que le champ d’intervention des Services d’analyse des milieux intérieurs (le Sami - un organe qui fait des recommandations sur la façon d’améliorer la salubrité des habitations) soit élargi aux ondes électromagnétiques.
Que sont ces champs électromagnétiques?
Un champ électromagnétique créé par des lignes à haute tension est la combinaison de deux composants : le champ magnétique et le champ électrique. " Lorsqu’il y a du courant qui circule dans un conducteur, du courant qui passe dans un fil, vous allez observer autour du fil un champ magnétique, détaille le Pr Emmanuel De Jaeger (UCLouvain). Le courant génère quelque chose de similaire à ce qu’un aimant génère. Des matériaux qui sont sensibles au champ magnétique vont être perturbés par ce champ, par exemple de la limaille de fer. "
Si le champ magnétique est lié au courant, le champ électrique est, lui, associé au fait que les conducteurs (en gros, les fils) sont dotés d’une tension électrique (exprimée en volts) importante entre ces conducteurs. La tension est la différence de potentiel entre deux conducteurs dotés d’une charge électrique différente, ce qui permet le passage du courant. "O n peut parfois percevoir des picotements à proximité d’une ligne à haute tension, à cause du champ électrique. Mais cet effet électrostatique n’est absolument pas dangereux. Les champs magnétiques, eux, on ne les perçoit pas."
Ceux-ci interagissent néanmoins avec les courants ; or, dans le système nerveux humain, il y a des impulsions électriques. Ce qui explique les inquiétudes. Cependant, outre qu’ils varient avec l’intensité du courant, les champs magnétiques "décroissent très très rapidement avec la distance. Juste sous la ligne à haute tension, vous allez avoir des champs de l’ordre de 2 à 4 microteslas. À plus de 50 m de la ligne, vous êtes largement sous le demi-microtesla. On cite toujours 0,4 microtesla comme valeur maximale tolérable dans la durée, tenant compte du principe de précaution." À noter que la fréquence de ces champs électromagnétiques est basse (50 hertz), contre de l’ordre du milliard de hertz pour les ondes GSM, ce qui est une différence majeure. Il est en effet prouvé que, lorsque la fréquence augmente, l’effet des champs électriques et magnétiques sur les organismes vivants est plus sensible.