"Sexe: F" : il y a bien plus de poétesses qu’on ne le pense
Une bulle musico-littéraire pour goûter les beaux textes d’écrivaines. Karin Clercq et Grazyna Bienkowski Aux Midis de la poésie, mardi.
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Publié le 06-12-2021 à 12h12 - Mis à jour le 06-12-2021 à 15h41
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Quand on demande à une adolescente ou un adolescent d'aujourd'hui de citer le nom d'un grand poète, il y a de fortes chances pour que Rimbaud, Baudelaire ou Verlaine soient les premiers noms qui leur viennent à l'esprit. Rien que des hommes. Peut-être faudrait-il poser la question autrement et solliciter "une grande poétesse" ? Les noms de Sappho, Marceline Desbordes-Valmore ou Taslima Nasreen surgiraient-ils de leur bouche ? Pas sûr. C'est partant de ce constat que la comédienne et chanteuse belge Karin Clercq et la musicienne d'origine polonaise Grazyna Bienkowski ont concocté Sexe : F, un spectacle musical qui veut accorder toute la place qui devrait revenir naturellement à ces grands noms de la poésie féminine. Elles le proposeront, dans une version de 50 minutes, mardi au Théâtre des Martyrs dans le cadre des Midis de la poésie.
Les deux femmes se sont rencontrées sur l'album La Boîte de Pandore que Karin Clercq a sorti en 2018 - Grazyna Bienkowski étant venue jouer du violoncelle. Depuis, elles ne se sont plus quittées. Quelques mois plus tard, Grazyna sollicite Karin sur un piano-voix autour d'un poème de l'écrivaine américaine Sylvia Plath (1932-1963) pour un Cabaret des poètes qui s'est tenu à la Ferme du Biéreau. "On a aimé travailler ensemble. La poésie a toujours occupé une place centrale dans ma vie d'artiste, explique Karin Clercq. J'ai suivi les cours du Conservatoire de Liège et je pense que c'est la déclamation qui m'a amenée à la musique, plus que le théâtre. Le rapport à la poésie, c'est le 'je'. C'est être directement dans l'émotion." "Moi, ce qui m'intéressait aussi dans la dimension poétique, c'est l'agencement des mots, le sens que cela apporte en termes de musicalité", ajoute Grazyna Bienkowski.
Aux quatre coins du monde
Elles ont commencé à travailler sur Sexe : F début 2020. Quand la pandémie a mis un frein à leurs rencontres, Karin et Grazyna ont échangé à distance en mettant en place une sorte de laboratoire de recherches. "On a collecté des textes, fouillé des sujets, été à la découverte de poétesses qu'on ne connaissait pas", se souvient Grazyna Bienkowski. "On s'est rendu compte qu'il y avait bien plus de poétesses dans tous les pays, à toutes les époques, que ce qu'on pouvait imaginer. Simplement parce que certaines n'ont pas été répertoriées dans les anthologies", continue Karin Clercq. Outre les noms cités en début d'article, elles veulent élargir le spectre des poétesses à tout le globe et à des noms "moins connus". "Donc, on va autant en Afrique qu'aux États-Unis en passant par l'Europe. On pense à Joy Harjo, poétesse américaine qui a été nommée chancelière de la poésie aux États-Unis en 2019, à Wislawa Szymborska, Prix Nobel de littérature en 1996, bien peu connue avant son prix", commente Grazyna Bienkowski. "Et des auteures belges aussi, insiste Karin Clercq. Comme Liliane Wauters, évidemment, mais aussi Marie Nizet, poétesse belge populaire à son époque mais aujourd'hui quelque peu tombée dans l'oubli."
Naître, grandir, s’engager
Pour construire leur spectacle, elles se sont servies de mots-clés. Naître, grandir, s'engager, chercher, souffrir, perdre, vieillir, mourir : "des thèmes universels qui touchent autant les femmes que les hommes", souligne Karin Clercq. Le fait de n'avoir pris que des femmes poètes pour illustrer ces sujets ne risque-t-il pas, justement, de les "ghettoïser" ? "Oui et non, répond Grazyna Bienkowski. Ce qui nous importait, c'était de rendre à la femme la place qui lui revenait dans la littérature." Sans inclure l'homme ? "Au départ, je ne suis pas de la génération #Metoo, même si je trouve que ce qu'apporte le mouvement est important", confie Karin Clercq. "Dans cette bulle musico-littéraire, Karin et moi-même remettons en évidence nos parcours personnels. On est des créatrices avant tout, on est des femmes. Il faut voir l'intitulé davantage en termes de carte d'identité, et pas comme quelque chose qui va cloisonner." Vaste débat que l'annonce récente de retirer le genre sur la carte d'identité laisse ouvert.
Mardi 7 décembre de 12 h 40 à 13 h 30, Midis de la poésie au Théâtre des Martyrs, place des Martyrs, Bruxelles. Réservations: theatre-martyrs.be