La victoire de Trump, reflet du mal qui ronge les démocraties occidentales
" He’ll be done…" Professeur de science politique à l’Université du Texas, Seth Mc Kee était catégorique : s’il avait perdu l’élection présidentielle, la carrière politique de Donald Trump se serait arrêtée ce mercredi.
Publié le 09-11-2016 à 08h40 - Mis à jour le 09-11-2016 à 10h38
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"He’ll be done…" Professeur de science politique à l’Université du Texas, Seth Mc Kee était catégorique : s’il avait perdu l’élection présidentielle, la carrière politique de Donald Trump se serait arrêtée ce mercredi. "C’est avant tout un homme d’affaires qui est devenu un politicien en quelques semaines. C’est un démagogue qui essaie de faire de l’argent avec son nom et sa personne."
La rumeur se faisait d’ailleurs insistante ces dernières semaines : en cas d’échec, le milliardaire pourrait tenter de rebondir en lançant un grand groupe de médias ultraconservateur, à la manière d’un Rupert Murdoch. "À la fois pour peser sur les débats de société, mais aussi parce que le monde médiatique est quand même un peu son cœur de métier", commente de son côté Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (Iris) et auteure du livre "Trump, l’onde de choc populiste" (FYP Éditions).
Mais voilà, Trump n’a pas perdu… Déjouant tous les pronostics, il vient de prendre sa revanche sur "un establishment politique et intellectuel qui l’a toujours méprisé". Il s’est imposé en surfant notamment sur les peurs de l’Amérique profonde, celles des travailleurs pauvres des Etats ruraux, mais aussi de la classe moyenne que la crise économique a laissée sur le carreau.
"Il a réellement perçu la flamme de la colère et le ressentiment de la ‘working class ’blanche", après la récession, note Seth Mc Kee. Et si les Démocrates ont su davantage se tourner vers les jeunes électeurs, notamment dans les minorités noires et hispaniques, cela n’a pas suffi. "C’était la dernière élection que Donald Trump pouvait gagner sur le vote des Blancs", poursuit Mme Naves. "Après, c’est fini en raison de l’évolution démographique et de l’évolution sociale qui est inéluctable : droit des femmes, des homos…"
Qu’on l’aime ou pas, le magnat de l’immobilier a su "avancer un vrai projet politique", juge-t-elle. "Un projet qui consiste à refermer la société américaine sur elle-même, à refluer le multiculturalisme, à revenir au patriarcat et à défendre les intérêts des ‘vrais Américains’".
On peut à présent légitimement s’inquiéter de la manière dont réagiront les franges les plus extrémistes de son électorat, galvanisées par ce succès. Mais aussi des tensions qui pourraient durement s’accroître avec les communautés afro-américaines et latinos, dans un pays où les armes s’achètent comme un paquet de cigarettes. Autant de "camps" que Donald Trump a chauffés à blanc.
Un "Brexit" puissance 100
Un projet qui trouve écho largement au-delà des frontières des États-Unis. Que ce soit en France avec le Front national, en Hongrie avec "l’illibéral" Viktor Orban, en Pologne avec le Parti nationaliste Droit et Justice, aux Pays-Bas avec Geert Wilders, en Autriche avec la montée de l’extrême droite ou en Allemagne avec celle de l’AfD… Le "trumpisme" risque de donner du souffle aux poussées nationalistes que l’on observe dans les démocraties occidentales. Il ne manquera pas non plus de réjouir Vladimir Poutine.
"Le thème de l’identité nationale va être central dans la prochaine campagne électorale française, comme cela a déjà été le cas lors du référendum sur le Brexit", relève Mme Naves. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Nigel Farage, l’ex-leader du parti indépendantiste britannique Ukip, s’est exhibé avec délectation au côté du milliardaire américain durant la campagne et se réjouissait de la victoire qui se dessinait, une sorte de "Brexit" puissance 100.
Au sein du Parti républicain, que de nombreux observateurs voyaient imploser en cas de défaite de Trump et, plus encore, en cas de perte du Sénat (ce qui ne semblait finalement pas être le cas au moment de boucler cette édition), on doit en tout cas pousser un fameux soupir de soulagement. Avant l’heure, sans doute, de certains retournements de vestes et de règlements de compte envers ceux qui se sont détournés d’un leader qu’ils jugeaient incompétent, immoral et dangereux.