Un précédent fâcheux et De Croo dans le viseur: le monde politique s’inquiète de la perte de légitimité des décisions du Codeco
La désobéissance civile s’installe sous le regard bienveillant de la police, du monde judiciaire, des ministres…
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Publié le 26-12-2021 à 20h43 - Mis à jour le 27-12-2021 à 05h48
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En démocratie, les décisions politiques charrient souvent des critiques exprimées ouvertement. Cela fait partie du processus classique de digestion des règles par la société. Le dernier comité de concertation (Codeco) a toutefois rompu cette dialectique habituelle. En tirant de manière arbitraire un épais rideau sur le secteur culturel, les autorités publiques ont sapé les bases de leur propre légitimité.
Non seulement de nombreuses salles de spectacles et cinémas ne fermeront pas leurs portes mais, en outre, les ministres et les partis associés à cette mesure ont pris immédiatement leurs distances vis-à-vis de la règle qu'ils venaient pourtant d'édicter. La police, les procureurs généraux, la ministre de la Culture (Bénédicte Linard, Écolo) et quelques bourgmestres ont également fait savoir qu'ils ne contrôleraient pas ou ne sanctionneraient pas les frondeurs. Sur Twitter, le président de l'Open VLD, Egbert Lachaert, a estimé dimanche que de nouvelles discussions étaient nécessaires afin d'ajuster le poids de la contrainte pesant sur la culture.
Un précédent fâcheux
Que ces réactions soient justifiées ou non, les gouvernants font désormais face à un estompement de la norme. Comment les prochaines décisions du Codeco seront-elles reçues ? Très mal, probablement. La contestation des règles venue du monde de la culture crée un précédent. Il est vrai que la rationalité des arbitrages sanitaires est gravement remise en cause. "Le forcing des virologues et de Vandenbroucke (le ministre fédéral de la Santé) lors du dernier Codeco afin de prendre des mesures préventives était scandaleux", peste un ministre qui souhaite rester anonyme. "Je sais qu'il y a une contestation majeure des dernières décisions prises", a reconnu Frank Vandenbroucke (Vooruit).
"Lever en urgence la fermeture"
Au sein de la classe politique, le malaise s'installe. Dans l'opposition au fédéral comme dans les entités fédérées, Maxime Prévot, le patron du CDH, s'est inquiété du manque de crédibilité des décideurs. "Il n'y a plus d'adhésion (de la population) parce qu'il n'y a pas de Codeco crédible et cohérent", a-t-il déclaré vendredi sur la Première.
Pour Catherine Fonck, députée fédérale du même parti, la situation actuelle est intenable : "Ce précédent pourra être invoqué pour tout à l'avenir, confie-t-elle à La Libre. Des ministres des gouvernements qui ont validé la fermeture du secteur culturel font semblant depuis trois jours qu'ils ne l'ont pas voulu et qu'il importe peu que cela soit respecté. Les gouvernements n'ont pas d'autre choix que de lever en urgence la fermeture du secteur culturel."
Bouchez critique la désobéissance civile
Du côté du MR, le président Georges-Louis Bouchez a lancé dimanche une salve de tweets dénonçant les actes de "désobéissance civile" du secteur culturel et la complicité de certains. "L'honneur du politique est d'être cohérent et de respecter les institutions. Les dernières mesures du Codeco peuvent faire l'objet d'un débat légitime mais soit les règles sont considérées comme non pertinentes et doivent être changées, soit elles doivent être respectées", a-t-il commenté.
"Cette approche (la désobéissance civile, NdlR) encouragée par des politiques mais aussi par des autorités judiciaires est complètement destructrice pour la crédibilité de l'État et de nos institutions, ajoute le président libéral. Pourquoi faire respecter certaines fermetures et pas d'autres ? Si on tolère la non-application des règles dans le secteur culturel, en est-il de même pour les bowlings, les casinos et autres ?"
Repenser le Codeco
Face à cet éventail de réactions, puisées au cœur même de la sphère politique, il semble évident que le Codeco devra à l’avenir travailler de manière différente. Notamment en fondant beaucoup plus clairement ses décisions sur une base scientifique. Après deux ans de crise sanitaire, la population belge supporte difficilement que les confinements et déconfinements successifs, globaux ou partiels, résultent de marchandages entre ministres défendant des intérêts sectoriels et des lobbies différents.
"Il faut repenser la manière de fonctionner du Codeco, explique Gilles Vanden Burre, chef de groupe Écolo-Groen à la Chambre. Il faut davantage de préparation en amont des réunions, davantage de consultations des différents secteurs concernés. Je pense aussi à une implication plus grande de la population, via des groupes de citoyens qui pourraient accompagner les décisions."
De Croo dans le viseur
Le gouvernement fédéral, qui a toujours la main sur la gestion de la pandémie, devra également resserrer quelques boulons. Le président du PS, Paul Magnette, avait déjà épinglé la faiblesse de la "méthode De Croo". Pour plusieurs poids lourds politiques, le Premier ministre voit, une fois encore, sa responsabilité engagée dans la confusion extrême qui a suivi la dernière réunion du Codeco. "De Croo est dans le lac. La Vivaldi, ça ne marche pas, déplore l'un de ses alliés gouvernementaux. Que ce soit pour le Codeco, pour le dossier nucléaire, pour celui des pensions, etc., quel est son bilan ? Il est nul."