La Belgique a rarement produit autant d'électricité avec des réacteurs d’avions qu'en 2022, le cauchemar de la ministre Tinne Van der Straeten
Les turbojets sont utilisés pour compenser les baisses de production et ainsi éviter les pannes sur le réseau électrique. En 2022, ils ont été deux fois plus utilisés qu'en 2018.
Publié le 24-05-2023 à 08h09 - Mis à jour le 24-05-2023 à 08h33
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Les turbojets, c’est le cauchemar de Tinne Van der Straeten (Groen). Lorsqu’elle évoque cette méthode de production d’électricité, l’actuelle ministre de l’Énergie en parle comme d’un moyen du passé qui doit disparaître. En 2018, sa prédécesseure, Marie Christine Marghem (MR), avait réquisitionné d’anciens moteurs d’avion pour compenser la baisse de production liée à l’indisponibilité de certains réacteurs nucléaires. Depuis cet “hiver de l’horreur”, comme le décrit Tinne Van der Straeten, la volonté du gouvernement est de ne plus recourir à cette solution.
Pourtant, si l’on se réfère aux données publiques d’Elia, il semblerait que le recours à ce mode de production ne soit pas du tout en déclin. Sur le site Open Data Elia, on peut voir que la Belgique a produit en continu plus de 1 MW avec des turboréacteurs tout au long de l’année 2022. Ces turboréacteurs ont donc été utilisés deux fois plus l’année passée qu’en 2018, l’année critique.
Les turbojets sont des moteurs d’anciens avions, du type Boeing 707 et Airbus A380. Ces moteurs fonctionnent avec du carburant fossile. Ils polluent énormément et leur rendement est plutôt faible. Un réacteur fournit environ 17 mégawatts, soit l’équivalent de 8 éoliennes terrestres. L’avantage de ces réacteurs, c’est qu’ils sont très rapides à démarrer (environ 8 à 15 minutes).
En Belgique, on trouve neuf sites de production d’électricité avec des réacteurs d’avions : Aalter, Beerse, Cierreux, Ixelles, Noordschote, Turon, Zedelgem, Zeebrugge, Zelzate. En 2022, ces différents sites ont été mis plus de 40 fois à contribution. Cela représente un total de 9310 MWh, soit l’équivalent de la consommation d’électricité annuelle de 2600 foyers moyens.
”Ce sont des unités très peu utilisées”, précise Elia, qui rappelle que ces turbojets ne sont utilisés qu’en cas d’urgence, pour compenser les modulations du réseau.
La production d’électricité en Belgique est une affaire d’équilibre. Pour éviter un blackout, la quantité d’électricité produite et importée sur le réseau doit toujours être égale à la quantité d’électricité consommée. Depuis que les modes de production d’électricité se sont multipliés, cet équilibre est nettement plus difficile à atteindre.
La quantité d’électricité obtenue avec des moyens renouvelables varie fortement selon les conditions météorologiques. Si le temps est nuageux, dur de faire du photovoltaïque. S’il n’y a pas de vent, l’éolien ne produira rien. Dans ces situations, il faut donc compenser la baisse de production avec une autre source. Cette source sera une centrale au gaz ou un réacteur d’avion. Cette hausse du recours aux turbojets est à placer dans ce contexte.
Côté politique, on s’affaire pour ne plus dépendre de ces points d’urgence à l’avenir. La ministre Van der Straeten a revu à la baisse les seuils d’émission de CO2 pour participer au CRM, le mécanisme de récupération de compensation. Ce mécanisme subventionne au moyen d’enchères les unités de production sollicitées pour compenser les baisses de productions à partir de 2025.
”Ce durcissement des règles a permis, entre autres, d’exclure les turboréacteurs du CRM dès la seconde enchère”, précise le cabinet Van der Straeten. “Par ailleurs, la clause de durabilité a été étendue à tous les contrats de plus d’un an : toutes les capacités qui veulent être éligibles à un contrat de 3, 8 ou 15 ans doivent maintenant signer cette clause de durabilité. En plus d’apporter des garanties et de renforcer la sécurité d’approvisionnement, le CRM est devenu un véritable mécanisme de pilotage de la transition énergétique.”